14 janvier 2013

Madame Veil, aujourd 'hui, mon coeur de femme saigne.

Madame Veil,

Je suis née en 1975, année durant laquelle vous avez fait voter la loi autorisant l'avortement. Pour ce faire, vous avez dû faire face aux plus graves insultes, aux calomnies, aux propos orduriers que les députés vous ont asséné comme autant de coups de poignard dans le cœur de votre histoire personnelle. Pourtant vous avez tenu bon. Vous avez tenu bon pour les millions de femmes qui n'avaient pas le droit de disposer de leurs propres corps. Vous avez su garder la tête haute pour que la société française avance sur le chemin de la modernité, pour que les mentalités changent.

Enfant, ma maman me disait "Regarde bien cette dame ma fille. Elle s'est battue pour toi, pour moi, pour nous les femmes". Je vous admirais à un point que vous sauriez imaginer. Vous étiez pour moi la quintessence du courage et de l'engagement.

Mais aujourd'hui mon cœur de femme saigne. 

Aujourd'hui, j'ai pris connaissance de votre participation à la manifestation de ce 13 janvier, contre le mariage pour tous. Vous, la femme qui avait lutté pour la reconnaissance des droits de chacun et de l'égalité pour toutes. Bien sûr, personne ne peut vous enlever le droit d'avoir une opinion, quelle que ce soit cette dernière. Mais avez-vous bien réfléchi avant de descendre dans la rue participer à une manifestation allant à l'encontre de l'égalité ? Avez-vous réalisé que vous preniez part à une marche organisée par l’Église catholique. Cette même Église catholique dont les dirigeants ont, en ces heures noires de l'Histoire de l'Humanité, facilité la fuite de ces criminels de guerre nazis qui avaient eux-mêmes participé à la déportation et la mise à mort de six millions de juifs ? Vous souvenez-vous que parmi les déportés de la seconde guerre mondiale, les homosexuels ont côtoyé les vôtres dans le processus infâme de l'épuration orchestrée par les nazis ? Avez-vous pensé qu'en participant à cette marche où les pires propos homophobes ont été écrits, montrés et hurlés dans les rues de la capitale, faisant de Paris, la capitale mondiale de l'homophobie en ce sinistre jour de janvier, vous souteniez implicitement cette Église qui n'a pas permis hier que justice soit rendue aux pauvres innocents sacrifiés sur l'autel de l'horreur ? Et qui aujourd'hui, clame que tous les êtres ne sont pas nés égaux.

J'aimerais tant penser que vous vous êtes trouvée là par hasard. Mais malheureusement, les images me détrompent. 

Madame Veil, si vous saviez comme je suis déçue par votre choix. Je respecterai toujours le combat que vous avez mené ainsi que la souffrance qui fut la vôtre et celle de vos proches disparus, mais ne me demandez pas de répéter à mes nièces ce que ma mère m'a si souvent dit... Je ne saurai pas quoi leur répondre quand elles me demanderont "Alors pourquoi cette dame a estimé que tu n'avais pas les mêmes droits que ta sœur, notre mère ?

Non, je ne saurai pas quoi leur répondre et c'est bien là le plus triste...

Ysabel

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